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Verdon
"Tom et je ris"
Copyright Pehuen Grotti

GMHM

10 nov. 2012

Coup de Barre, j'Ecrins le pire!

Ouverture d'une ligne en face Sud de la Barre des Ecrins avec Mat Détrie et Pierre-Labbre Labbre.  (ED+, VI, 6, M6, 6b, A1+) le 8/11/2012


                              




Le site du maître!
http://www.pierrelabbre-guide.com/coup-de-barre2c-j27ecrins-le-pire.html




"Encore une et j'arrête..."
Cette petite idée, un brin alarmiste, pour calmer une boulimie bien présente.
D'une part, c'est vrai, plus on grimpe, plus on est détendu sur les risques de la montagne, mieux on dort et plus les longues attentes au relais passent facilement. On s'habitue comme la grenouille dans la casserole que l'on fait chauffer depuis déjà 10 minutes. Elle est bien, tranks, un peu chaud mais ça va...
C'est vrai que "on the other hand", comme diraient ces connards de british, on pioche un peu dans la capital malchance et surtout beaucoup dans celui de chance.
L'un dans l'autre, on se dit que sur le moment c'est bien mais que pour vivre vieux, mieux vaut trouver d'autres moyens pour se détendre avant la prochaine sortie dans l'Alpe, style Feng shui - Yoga dynamique couplé au Shiatsu habituel. Ca au moins c'est moins dangereux... Mémé m'a déjà bien proposé autre chose mais au final je sais pas si c'est moins risqué, bien qu'il est vrai qu'au final la détente arrive..


Tout ça pour dire que la voix rassurante du Mathieu Détrie à l'autre bout du fil me fait craquer! Cette ligne, ça fait un an que je bave dessus. Et pour un fois j'ai rien dit, à personne. Habitué à me faire f*** pour avoir répandu un peu trop gentiment la bonne info, cette fois, je moufte pas!

Et c'est dur! En tant qu'animal social par excellence, il nous est difficile de taire de telles excitations. Alors bien sûr, seuls les gens de confiance sont dans la confidence. Détritus me rappelle donc à ce souvenir secret et je ne peux que m'en réjouir. Le grand Pierre Labbre aussi sera de la partie et c'est avec un plaisir non dissimulé que je l'héberge à Grenoble ce mardi soir, en lui servant un plat porteur de sens. Le boudin aux pommes façon Bonniot. Connaissant le coup de fourchette et de bassin de cet intrigant trentenaire, je me dis que ce serait lui faire honneur que de lui proposer pareil met.


En fait, le bougre, je le connais un peu. Déjà pour avoir passé une soirée renversante au Glacier Blanc avec lui l'an dernier. Radical sur les blagues féministes, il avait fait fuir ma mère et les trois aides gardiennes en moins d'une tentative, ce que j'avais trouvé très fort étant donné que personne, en Vallouise, ne le connaissait!
Deuxième rencontre, St Léger du Ventoux, entre deux croix qui feront tellement de bruit que même Radio Chamonix, depuis la Chine, en sera averti!


C'est donc parti "bonne allure mais sans se fatiguer" que nous remontons les presque 2000 mètres de dénivelés, gros sacs sur le dos, neige soufflée-croutée et glacée en dessous pour support jusqu'au Col des Avalanches. Un investissement que l'on trouve tout de même un peu lourd pour un "feeling", un "à mon avis c'est en condition" de notre cher Détritus national.
Moi en tous cas je le crois, ou je me force à y croire. "C'est face sud tu vois, là il a pas mal neigé en altitude et puis il a fait beau, la pente va fondre...etc etc" Les théories physico-je me persuade fusent et passent du pire au meilleur en passant une dizaine de fois par la case but. Ca va, pour l'instant on regrette encore pas trop nos copines... Tout du moins pas au point de vouloir appeler notre voie de leur prénom! Ca aussi ça nous fait ricaner!!


Le soleil bascule et avec lui la chute du mercure fait mal. D'un coup, elles nous manquent plus, les copines. On est vraiment des merdes à se cailler ici, alors que la dentelle satinée, la peau de pêche et les formes customisées s'impatientent dans la tiédeur d'un chez-soi rassurant.
Enfin, c'est surtout les deux vieux qui se caillent! Moi je suis bien au chaud dans mon Grand Barbat, en mode Alaska, pendant que mes compères se tournent et se retournent dans leur duvet d'été. "Le light c'est la base Max, faut pas trop se charger". Je ricane encore une fois et je sombre.



Le réveil à 4 heures sonne le départ d'un marathon que l'on sous estime encore... Mais la banane est là, sur la tronche de Pierre, qui vient de renverser tout son lioph dans sa polaire et qui s'est rendu compte il y a peu que sa frontale marchait pas! Ou sur celle du goguenard Détrie, comme un enfant qui va faire une bêtise..
La redescente du couloir des Avalanches est déjà bien sordide. Grosses accumulations dans ces pentes raides. On brille pas en solo dans ce piège. A la fois l'aube qui se lève révèle la présence du Fifre, cette montagne intrigante et si raide qui borde le couloir. Même si on a déjà connu un endroit plus zen, je me sens bien ici! Avec les deux renards j'apprends beaucoup comme dirait un mauriennais sponso Nespresso... What else?


C'est Mat qui est devant, les lumières deviennent plus chaudes et on sait le danger qui arrive avec cette fausse impression de confort. Plein Sud, on sent direct l'arrivée du chauffage. Des petites boules de glace se détachent. Avec le vent qui souffle plus haut, c'est déjà l'enfer dans la Gabarrou. On se pose 5 minutes. Que faire? On tente? La suite a l'air extrême, les longueurs vont être hallucinantes!


Gaz! On tente... et puis on a du matos, on pourra toujours redescendre. Chaque relais, chaque pas dans les longueurs faciles qui mènent au début du vrai Fight sont autant de repérages pour une éventuelle retraite. On protège quand même les arrières...

Mat nous pose sous le premier crux, un cigare de taille modeste, pendu à quelques mètres au dessus du relais. Le rocher qui y donne accès a l'air moyen. Petit resserage des chaussures, un Twix et s'est parti, j'essaye de me bouger. J'ai quand même très peur du cigare, 100 mètres plus haut. Ce trente tonnes pendu par les pieds est en train de se faire chauffer la rondelle, tranquillement. Son petit diamètre ne laisse pas présager une résistance folle au soleil, alors j'essaye de mettre un peu de rythme.



Mi libre mi artif je rejoins mon petit stalactite et le franchi. La suite jusqu'au pied du gros n'est pas donnée. Deux belles longueurs en rocher vraiment moisi me donnent de belles frayeurs et Pierre passe pas loin de prendre la tarte de sa vie par un glaçon. En second Mat tombe avec une écaille et perd un piolet qu'il rattrape... Au vol!
L'arrivée au pied du molosse se fait avec un pas de plus dans la tension. On sait qu'on est en train de pousser le bouchon. Tous les signaux sont au rouge. Il fait chaud, toutes les longueurs sont dures voire très dures dans du rocher et de la glace de qualité chinoise. Et la suite a l'air abo, la résorbante nous guette... Gloups





On avait quand même oublié un atout de taille avec nous. Contre le soleil, le caillou de l'Oisans et la glace pendante, nous, on a Pierre!! Et le mec est pas du genre à renoncer. L'artif dans la grotte lui réserve une mauvaise surprise. C'est pas qu'il place mal ses friends mais le rocher c'est pas Chamonix! Ici c'est pas du jettage de friend rouge à tout va... un petit bloc cède avec son C3. C'est là que j'ai compris qu'on allait sortir par le haut!


"Si ça fait pas en artif, faut faire en libre!" Pierre-Labbre Labbre enlève ses gants et s'est parti pour 10 mètres de 6b avec aucune protection correcte, j'ose même pas tirer aux friends ; plutôt 6c à mon goût... On prend alors pied sur le stalactite. La boule au ventre, à ce moment là, passe un cran supplémentaire. Au dessus, c'est du grade 6! Juste halucinant qu'il ait continué! Il y a à nouveau un stalactite où l'on accède par un mur de glace vertical." Tu cales un écart et tu bourrines pour monter sur celui du dessus" okay!


J'arrive au relais médusé... Ce mec est une machine!


La suivante a l'air plus cool. 5 mètres de glace à 90 et à nouveau l'inconnu. J'assure mon nouveau maître. Après avoir couru sur la première partie, il semble ralentir, j'imagine même pas ce qu'il nous attend! Encore une longueur très délicate, le même rocher et la glace putréfiée... Je fais tomber une énorme plaque de glace sur Détrie... Il hurle. C'est horrible, j'ai l'impression qu'il va tomber dans les pommes, il dit des trucs bizarres. Je monte au relais et l'assure pendant que je file le matos à Pierre. IL fait nuit dans 1 heure et il nous reste encore au moins une longueur très dure...
Mat reprend ses esprits et me rejoint. Là c'est sûr, c'est carrément chaud...
"On pourrait l'appeler Perrine? ou Lucie? ça sonne bien Lucie non? "
On rigole un peu parfois dans cette voie!
Pierre repart, Vietkong, couteau entre les dents. C'est la tempête, et le givre envahit les prises. Les onglées arrivent dans la dernière traversée en rocher verticaux! Du délire...!

                      
Encore une petite goulotte et la face se couche. On a eu de la chance, la montagne a été cool avec nous! Maintenant c'est des pentes en neige jusqu'en haut. La nuit nous surprend vite. Le vent fort et la neige fraîche nous claquent sur l'arête de la voie normale. Plus d'une heure et demi pour redescendre jusqu'à la brèche Lorie. On résorbe, c'est atroce. Une claque de plus et j'ai envie de pleurer. Le froid me saisit les reins, le vent s'insinue partout. Le givre sur les cils, le froid... Pfouah, faut pas se laisser faire. Mat gère toute la descente, interminable, jusqu'au glacier côté Temple Ecrins. 6 ou 7 rappels pour débarquer avec une visibilité de 2 mètres, au Col des Avalanches. Merci Iphigénie! Je suis devant, complètement déboussolé. Le désert blanc dans cette tempête m'empêche de comprendre quoi que ce soit. J'avance comme un pantin, aucun sens de l'orientation. J'imagine le Fifre à gauche, il est à droite! J'avance en zigzag comme une merde. Finaement Pierre hurle à droite, on tombe sur le bivouac. Je vous jure, je sais pas comment!

La suite est plus cool, en descendant, on voit qu'ailleurs il fait beau, la tempête était vissée sur la Barre. Abjecte. On débarque à 2h30 au refuge de Temple Ecrins. Presque 24 heures après notre départ. Le temps d'une petite bouffe et on sombre.

Merci pour tout les mecs! C'était une aventure géniale, même si je ne la referai jamais!
Merci au PG pour avoir passé le message.
Merci à mes parents et à mon paon!!

9 commentaires:

  1. Bravo à vous 3 pour cette ouverture de haute volé!! Ca fait rêver!!

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  2. Des machines ...
    J'imagine même pas ce que ça donnerait si vous préféreriez les kiwis à la pêche, le caleçon qui tient debout au satin et le bodybuildé au customisé ...

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  3. A bande de lascars ! Et de mauvaises racaille du glacier noir. Bien ouej les gars. C'est du sale, du puant, c'est du beau.

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  4. Belle voie et belle prose. Merci

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  5. Bravo pour tout, pour l'ouverture, le récit... c'est du haut niveau !

    par contre, le nom de la voie est tout pourri, pourquoi aller chercher des jeux de mots merdiques comme ça ? enfin bon si je suis pas content j'avais qu'à y aller, hein !
    bonne continuation

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  6. L'anonymat c'est ça qui est tout pourri!

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  7. C'est ca qui est bon! Vous faites rêver les jeunes parisiens!
    Bonne continuation, and Get Psyched!!

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  8. Bravo les gars et bravo Max pour l'exploit et ton récit, tous deux dignes des plus grands...
    Content pour toi que tu te fasses autant plaisir en montagne, sans le froid bien sûr...
    Bon vent

    Maxime Gasser (l'alsacien ancien compagnon de cuite à Grenoble...)

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  9. Pour ma part, je suis plutôt adepte du vélo d'appartement. Je viens d'ailleurs d’acquérir un modèle passionnant de robustesse : le PF-275-ZLX

    http://www.decathlon.fr/velo-dappartement-pf-275-zlx-id_8193285.html

    Ce que vous faites n'est pas mal non plus mais ne vaut pas une bonne virée en vélo d'appartement. Quand même quoi !
    Par exemple, vendredi j'avais rien à faire, je l'ai réglé sur 6 et j'ai fait comme si j'allais de Paris à Créteil en caleçon, devant la télé. C'était vraiment génial.

    Noon ! Sans déconner. Vraiment un très bon récit et une super belle ouverture. Bravo les gars.

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